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Les deux Côte d’Ivoire/ Vu par Venance Konan


À entendre les propos de certains de nos leaders politiques et à lire certains confrères, on se demande de quel pays l’on parle. Nous entendons et lisons ici et là que la Côte d’Ivoire serait une atroce dictature, baignant dans une pauvreté insoutenable. Un pays qui aurait reculé de plusieurs années sur le plan économique et sur celui du respect des droits de l’homme.

J’ai même lu que la Côte d’Ivoire serait proche d’un scénario à la rwandaise, c’est-à-dire que nous serions sur le point de commettre un génocide. En gros, il ferait mieux vivre en Centrafrique que dans notre pays, en ce moment. Or, même ceux qui ne veulent pas le reconnaître voient une Côte d’Ivoire en train de reconstruire ses infrastructures de base, à savoir les routes, les centres de santé, les écoles, les universités, détruites par une douzaine d’années d’impéritie. Ils voient une Côte d’Ivoire qui affiche un taux de croissance qui fait rêver bien des pays développés et étonne les institutions financières internationales. Nous voyons un pays, naguère mis au ban de la communauté internationale, aujourd’hui courtisé par tout le monde; en témoignent le nombre de Chefs d’État qui nous ont rendu visite, au cours de ces derniers mois, et le retour imminent de la Banque africaine de développement (Bad).

À la fin de notre crise post-électorale, des milliers de partisans de Laurent Gbagbo ont pris la route de l’exil, pendant que certains des pontes de ce parti politique se retrouvaient en prison. La plupart d’entre eux ont été libérés et un bon nombre d’exilés sont rentrés au pays. Ils circulent et s’expriment librement et peuvent même dire et écrire que leur pays est une dictature sans être inquiétés. Drôle de dictature que celle-là où ceux qui s’en disent victimes rentrent d’exil pour le dire haut et fort et sans crainte. Dans les dictatures que nous connaissons, les populations qui y vivent cherchent à s’en soustraire pour pouvoir les dénoncer. Parce que dans ces pays-là, ils ne peuvent que se taire, au risque de se retrouver en prison ou dans un cercueil.

Depuis trois ans, il existe deux catégories d’Ivoiriens dans le pays et en dehors.

Il y a ceux qui voient tout en noir, qui ne remarquent que ce qui ne marche pas bien, ce qui reste à faire, mais feignent de ne pas voir ce qui se réalise, ce qui marche. Et il y a les autres. Ceux pour qui tout va très bien. Pourquoi ne fondrions-nous pas ces deux visions de notre pays ? Pourquoi ne reconnaîtrions-nous pas tous que la tâche à accomplir pour le faire émerger est immense, tant nous avions pris du recul avec nos querelles parfois meurtrières, qu’un grand effort est en train d’être fait et qu’il reste encore beaucoup à faire ? Pourquoi, plutôt que de rester au bord de la route à geindre et à tout noircir, ne nous mettrions-nous pas ensemble pour faire avancer les choses plus rapidement ?

La reconstruction de notre pays ne saurait être l’œuvre du seul Président de la République, du seul gouvernement, d’un seul camp. Elle doit être l’œuvre de tous les Ivoiriens et de tous ceux qui ont choisi de vivre dans notre pays.

Oui, il y a encore trop de pauvreté, trop de chômage, trop de mauvaises routes, trop de drames dans nos hôpitaux, trop de villages où l’électricité n’arrive pas encore, trop de coupures d’électricité là où il y en a, trop d’endroits où il n’y a pas d’eau potable. Oui, il y a encore du travail à faire. Alors, mettons-nous y tous ! Arrêtons de scier la branche sur laquelle nous sommes assis en cherchant à saboter les actions du gouvernement, en refusant, par exemple, de nous faire recenser. C’est la meilleure façon de s’extraire du processus de développement et cela n’a aucun sens, quel que soit ce que l’on pense du pouvoir. Souvenons-nous. Dans les années 1990, chaque fois que les étudiants étaient en colère, ils incendiaient les bus. Or ils étaient les seuls moyens de transport à leur portée. Pendant 20 ans, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) a systématiquement saboté l’école. La plupart des chômeurs d’aujourd’hui sont ceux-là mêmes qui ont suivi ses mots d’ordre.

Venance Konan (Fraternité-Matin)

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