Contribution

LETTRE A COLETTE:  » Alors Coco, l’actualité m’a fait penser à cette histoire. Revivons-la ensemble ce lundi.


En 1986, un Président africain, passionné de culture et de tradition a organisé un festival de masque et danse traditionnelle dans son village natal. Ce fut un des rares moments où certains masques toujours confinés dans leurs sphères foulaient pour la premières fois les grandes artères de la Région des Fleuves. Dans les tribunes, des milliers de personnes admiraient le spectacle. Certains, stylos en main prenaient des notes. D’autres, appareil photo au point immortalisaient chaque passage de masque. C’est ainsi qu’arriva le tour de passage d’un masque nommé Djandjo, celui pour qui, habillé en Ablakon, j’immolais 5 fois par jour un poulet. Avant son apparition, le speaker prit la parole et exigea qu’aucune photo ne devait être prise, personne ne devait repasser sur les traces laissées par ce masque… tout le monde se soumit à cet ordre, sauf un blanc nommé Ratajack. Selon lui, il n’y avait pas de tabou au niveau du journal qu’il représentait. Et au nom de la liberté d’expression, il était en droit d’immortaliser cet instant via une image. Sur le champ, certains le soutinrent sans pour autant faire à leur tour des photos du masque. Et malgré l’insistance de l’auditoire, il fit ses photos, avec la promesse que c’est seulement en France qu’il lavera ses clichés. Ainsi, ceux pour qui Djandjo est un élément culturel totémique ne verraient pas l’image. Surtout que le contenu de son journal est destiné à une catégorie bien déterminée de personnes. Il fit donc ses photos. Quelques semaines plus tard, arrivé dans son Marseille natal, il retira les pellicules et lava ses fameuses images. Le lendemain, lors de la réunion hebdomadaire, Ratajack ouvrit l’enveloppe et au moment de les retirer, toute la salle fut carbonisée par des fous adeptes du masque. Qui a tué tout ce monde ? L’entêtement de Ratajack ? Les durs tenants de la tradition ? Les fous ? Ou ceux qui ont encouragé Ratajack à faire les photos, en refusant eux même d’en faire autant ? Nous pensons que c’est la dernière vague. La société est aujourd’hui minée par un genre particulier d’hypocrisie généralisée, Qui se caractérise par une désolidarisation au plus profond de nous-mêmes, et d’un soutien du bout des lèvres, à travers des affiches… . Nous savions que parmi les gardiens de la tradition, certains étaient des radicaux. Nous connaissions le caractère hyper sacré de ce masque. D’où notre interposition ce jour. Mais que n’a-t-on pas entendu: vous êtes « intégristes, attardés, nègres, hommes de la caverne, nous vous parlons de mondialisation vous êtes dans l’obscurantisme ». Ne pouvait-on pas agir autrement pour éviter ce carnage ? Photos prises par un Français, présentées à des Français, dans un humour français. Ont-t-elles eu la conséquence à éviter ?

La France est le pays des Droits de l’Homme, par conséquent, tout peut se faire au nom de la « liberté d’expression ». Alors de ce groupe de mot, retirons l’expression et retenons « liberté ». Y’a-t-il un pays au monde dont les fondements reposent plus sur la quête de la liberté que l’Amérique ? Là-bas, on y tient tellement que le port de l’arme est autorisé. Là-bas, des centaines de milliers de journaux, au nom de la liberté, distillent à longueur de journée tout type d’informations. Les entreprises fabriquent en toute liberté, des produits extraordinaires… Cependant, aux USA, lorsqu’un des fondamentaux religieux est écorché, l’Etat dans sa mission régulatrice joue son rôle. A l’époque en 1986, le Secrétaire d’Etat américain, et le locataire du bureau oval dans un élan politique se sont associés à Ratajack, au détriment de Djandjo, mais paradoxalement, les deux ont usé de leur poids, pour que Terry John, ce pasteur de Floride ne brûle pas le Coran. Mieux, l’Etat américain a exigé en 1996 de Nike, le retrait de leur fameuse AIR que le calligraphe avait griffonné en lui donnant un aspect plus Allah que Air. Même chez nous, où les artistes, usant de leur liberté d’expression, créent des concepts, selon l’actualité ont été rappelé à l’ordre, lorsqu’a éclaté l’affaire des déchets toxiques. Cette « fatwa » a calmé les DJ dans leur volonté de jouer avec les morts du Probo Koala (certains tenaient à créer le concept du déchet toxique, comme ils l’ont fait pour la grippe aviaire). Il y’a eu mort d’hommes et il faut être fou pour tuer. Même dans les rites de Djandjo, il est strictement interdit d’ôter la vie à autrui, au risque d’être foudroyé. C’est donc à juste titre que nous nous sommes totalement mis en marge des théories de ceux qui ont vengé le masque. À l’époque, l’affaire fit grand bruit jusqu’au milieu des années 90. Deux tendances s’affrontèrent : d’un côté, les défenseurs de l’objectivité de la morale et de la liberté totale sans démesure. Et de l’autre, tous ceux qui se sentaient plus proches dans l’adoration du masque.

Je sais que tu me demanderas quelle fut mon attitude. Eh bien ! Lorsque ces faits se sont produits il y’a 28 ans, j’ai décidé d’être plus sincère qu’acteur de cinéma. Au lieu de chercher à plaire, il fallait rester droit dans ses bottes. S’agissant du partage du deuil, il eut une matérialisation. Il s’agissait d’un pins sur lequel il était écrit SOUTIEN TOTAL A RATAJACK. Chacun devait l’accrocher à son habit, pour prouver que Ratajack avait raison. Alors en accrochant cet écriteau à mon Ablakon, et sachant que je devais me présenter à Djandjo 5 fois par jour, serais-je en harmonie avec ma conscience ? Absolument pas. Ne pas le faire ne signifiait pas se désolidariser avec le deuil des familles victimes. Cependant, le faire signifiait une démarcation de mes principes personnels : l’APOLOGIE DU LIBERTINAGE. Enfin, ce fut le moment de questions interminables. Comment faire pour ne plus avoir de crimes gratuits ? Se départir d’une partie de la liberté au nom du respect des vies innocentes menacées ? Continuer sachant très bien qu’il y’avait des fous qui avaient fini de tisser leurs toiles et qui interviendraient lorsqu’on s’y attendra le moins ? 1 Corinthiens 10:23

28 ans après, tout cela est derrière nous.

Bon début de semaine. »

Omar Samson

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