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SORTIE INQUIETANTE D’ALASSANE OUATTARA


A l’occasion du XVe sommet de la Francophonie et au lendemain de la révolution burkinabè qui a vu le départ du président Blaise Compaoré du pouvoir, le président français, François Hollande, a appelé les dirigeants africains au respect des règles du jeu démocratique. Faisant un clin d’œil à la « leçon » de la transition tunisienne, et saluant au passage « la belle démonstration » du peuple burkinabè, François Hollande a clairement dit que « cette transition doit servir de leçon là où les règles constitutionnelles sont malmenées et où l’alternance est empêchée ».

Ces propos du locataire de l’Elysée, s’ils sont applaudis par bien des démocrates du continent malgré leur portée jugée opportuniste par certains, ont, a contrario, le don d’agacer bien des chefs d’Etat encore en exercice. Ces derniers, lorsqu’ils ne se débinent pas tout simplement face à la question de savoir ce qu’ils en pensent, comme le Guinéen Alpha Condé, donnent le sentiment de perdre quelque peu leur sang froid, à l’image de l’Ivoirien Alassane Ouattara (AO). A ce propos, le « on n’a de leçon à recevoir de personne » que ce dernier a laissé échapper au détour d’une interview, à l’issue de ce sommet, a laissé plus d’une personne perplexe.

Qu’un Kabila, un Sassou ou un Deby soient gênés aux entournures par la question et se fendent d’une telle déclaration, cela peut se comprendre dans la mesure où ils sont, constitutionnellement, au bout du rouleau et sont dans le collimateur de leur peuple. Mais qu’un AO qui n’est qu’à son premier mandat et qui n’est pas directement concerné par la question, montre autant d’agacement, cela suscite bien des interrogations. Surtout qu’il incarne, avec le Sénégalais Macky Sall, cette nouvelle génération de chefs d’Etat africains, porteurs d’espoir parce que considérés comme n’étant pas de la gamme des dirigeants aux pratiques despotiques. C’est en cela que ce monsieur inquiète. Car l’on se demande si au fond de lui-même, il est prêt à accepter l’alternance.

En tout cas, l’on est quelque peu surpris par la réaction du président ivoirien, connu jusque-là pour sa pondération, sa hauteur de vue et son sens de la mesure. Et l’on peut penser que cette réaction à la limite épidermique, traduit son agacement face au revers et à l’humiliation subis par son ami Blaise Compaoré, chassé du pouvoir par son peuple.

Est-ce cette amitié si forte entre les deux hommes qui justifie un tel ressentiment ? En tout cas, il n’aura pas échappé aux observateurs, que la Côte d’Ivoire n’était pas représentée au plus haut sommet de l’Etat, lors de l’investiture du successeur de Blaise Compaoré, alors que l’on n’a jamais cessé d’exalter les relations séculaires qui unissent historiquement et géographiquement ces deux peuples. De fait, les relations entre deux individus ne sauraient prendre le dessus sur les relations entre nations, car les individus sont avant tout au service des nations.

AO gagnerait à entendre les propos de Hollande de la bonne oreille

En tout cas, cette sortie de AO est malheureuse. De même, à la mort de l’icône de la lutte anti-apartheid Nelson Mandela, alors que le monde entier rendait hommage à un grand combattant de la liberté et de la démocratie, AO avait tenu des propos qui avaient choqué plus d’un, en affirmant que Mandela avait laissé le pouvoir parce qu’il était déjà sénile. C’est l’occasion de rappeler à certains chefs d’Etat africains, l’incohérence qui fonde certains de leurs propos. Prompts à brandir la souveraineté de leur pays et à fustiger « les donneurs de leçons »,ils sont pourtant enclins à recourir à ces mêmes gens quand les choses commencent à tourner au vinaigre. En cela, l’on se souviendra que n’eût été l’intervention de la France, il n’est pas certain que les dozos de AO auraient réussi à déloger Gbagbo de son bunker. Si cette forme d’ingérence est acceptée, il faudrait souffrir de supporter des mises en garde du genre de celle de François Hollande, qui vont du reste, dans le sens des aspirations des peuples africains.

Au demeurant, c’est cette même incohérence qui avait marqué l’attitude de Blaise Compaoré qui, au plus fort de la crise burkinabè, avait demandé à la France et aux Etats-Unis de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures burkinabè, parce que lui ne s’ingérait pas dans les leurs. Pourtant, ce même Blaise Compaoré ne s’est pas gêné de monter à bord d’un hélicoptère français pour prendre la poudre d’escampette, quand son propre peuple était à ses trousses. L’on imagine même sa joie et son soulagement, lui qui avait gaillardement affirmé que la rue n’avait jamais changé une loi, nulle part au monde.

Aussi AO gagnerait-il à entendre les propos de Hollande de la bonne oreille, et à les considérer plus comme un conseil que comme un affront. D’autant plus que, de toute façon, les peuples africains ont maintenant compris qu’ils n’ont pas besoin de compter sur la France pour créer l’alternance. Il leur suffit de s’organiser efficacement et de prendre leur destin en main.

Kakou avec NetAfrique.net

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